O envergure de la jeunesse ! élasticité toujours bandée !
O virilité, équilibrée, vermeille et riche.

Je suis étouffé par ceux qui m’aiment,
Ils écrasent mes lèvres, s’insinuent par tous les pores de ma
 peau,
Ils me coudoient dans la rue et dans les lieux publics, le
 soir ils viennent me trouver nus,
Le jour ils me crient Ohé ! du haut des rochers de la rivière,
 ils se balancent avec des cris joyeux au-dessus de ma
 tête,
Des massifs de fleurs, des vignes, des broussailles enchevê –
 trées ils m’appellent par mon nom,
Ils viennent se poser sur chaque instant de ma vie,
Ils couvrent mon corps de tendres baisers balsamiques,
Sans bruit ils puisent dans leur cœur à pleins mains pour
 les vider entre les miennes.

Vieillesse qui se lève magnifique ! O la grâce bénie, inef –
 fable des années dernières !

Toute condition humaine non seulement se public elle-même,
 mais publie ce qui sort d’elle et vient après elle,
Et les ténèbres silencieuses publient tout autant que le
 reste.

J’ouvre ma lucarne le soir et je vois les systèmes dont l’es –
 pace est parsemé,
Et tous ceux que j’aperçois, aussi nombreux que je puis les  
 compter, bordent seulement la lisière des systèmes plus
 lointains.

Plus loin et encore plus loin ils s’étendent, s’illimitant, s’il-
 limitant toujours,
Vers l’en dehors et l’en dehors à jamais.

Mon soleil a son soleil autour duquel il tourne docilement,
Avec ses associés il fait partie d’un groupe qui se meut
 dans un cercle supérieur,
Et des systèmes plus grands suivent, faisant des plus
 grands astres qu’il renferment de petites taches.
Il n’y a nul arrêt et il ne peut jamais y avoir nul arrêt,
Si moi, vous, et les mondes, et tout ce qui existe à leurs sur –
 faces ou au-dessous, étions en cet instant ramenés à
 l’état de pâle brouillard flottant, cela n’aurait aucune
 importance à la longue, 
Nous serions sûrement ramenés là où nous en sommes à
 présent,
Et nous irions sûrement aussi loin, et ensuite plus loin, tou –
 jours plus loin.

Quelques quadrillions d’ères, quelques octillions de lieues
 cubes ne mettent pas en péril l’espace ni ne lui causent
 d’impatience,
Ce ne sont là que des parties, toute chose n’est qu’une par –
 tie.

Regardez aussi loin que vous voudrez, il y a un temps illi –
 mité, autour de celui-là.

Mon rendez-vous est fixé, il est certain.
Le Seigneur sera là, attendant que j’arrive à une parfait
 condition,
Le grand Camarade, l’ami vrai après lequel je languis,
sera là.